samedi 18 septembre 2010

Eglise de Saint-Gilles Lez Liège

C’est avec curiosité que j’ai visité l’église de Saint-Gilles Lez Liège.

Saint-Gilles serait né à Athènes, au Vème ou VIIIème siècle PCN. Né de parents nobles, il reçoit une éducation chrétienne et montre rapidement qu’il possède des dons de thaumaturge. Afin de se soustraire à une popularité naissante, il s’exile en Provence non sans avoir accompli un nouveau miracle : sauver le bateau pris par la tempête. La légende raconte que Gilles, épris de méditation et de solitude, vivait en ermite dans la forêt, et avait pris sous sa protection une biche. Le roi Flavius, un Wisigoth, avait entendu parler de cette biche, et voulut s’en emparer au cours d’une chasse. Gilles arrêta la flèche avec son bras. Pour se faire pardonner, le roi aurait alors ordonné la construction de l’abbaye de Saint-Gilles-du-Gard, et Gilles en aurait été le premier abbé.

Saint-Gilles du Gard est un port de mer situé dans une région appelée « la Petite Camargue ». Au Xème siècle, il sera le lieu de départ des premières croisades. Avec son abbaye et le tombeau du Saint, Saint-Gilles du Gard était à l’époque le quatrième centre de la chrétienté (après Jérusalem, Rome et Saint-Jacques-de-Compostelle). En outre, la ville se trouve sur « les routes de la foi » : le voyageur qui va de Rome à Saint-Jacques-de-Compostelle passe par Saint-Gilles-du-Gard…

La dévotion à Saint-Gilles irradie donc rapidement, relayée par les pèlerins, les soldats, les simples voyageurs. La France se peuple de « Saint-Gilles », et c’est en 1064 qu’à Saint-Hubert, en Belgique, est fondée le premier oratoire en l’honneur du Saint. En 1076, le prieur de Saint-Hubert, Bérenger, est appelé comme abbé à l’abbaye de Saint-Laurent-de-Liège. Il va y recevoir la visite de Goderan, musicien ou troubadour, accompagné d’un ours ( ?). Goderan, désireux de devenir ermite, demande conseil à Béranger, qui lui propose de s’installer au Publémont, et lui recommande de prendre Saint-Gilles comme guide spirituel.

Qu’est-ce que le Publémont à cette époque ? Un éperon rocheux, très boisé, venteux et un peu sinistre (le dicton restera : « Les vents de Saint-Gilles sont mauvais. »). Lieu d’exploitation du bois et du grès houiller (en 1195, un artisan y découvre la houille, qui est un mot wallon), le Publémont va devenir un lieu de retraite. Goderan y fonde un ermitage dans les années 1080-1090, et y construit un petit oratoire. L’ermitage accueille bientôt de nombreux hôtes, et une communauté se forme progressivement. C’est le prince-évêque de Liège Albéron Ier qui élèvera l’ermitage-hospice du Publémont au rang d’abbaye. Le petit oratoire de Goderan est remplacé par une église romane beaucoup plus spacieuse, qui est consacrée en 1127. Saint-Gilles Lez Liège est né.

Saint-Gilles fut le plus populaire des 14 Saints auxiliateurs du Moyen-Âge. On implore son secours aussi bien dans le cadre des grandes peurs collectives (famines, peste…) qu’individuelles (insomnies, maladies nerveuses…). Saint-Gilles protège les enfants, notamment des convulsions. Il préserve également de l’incendie et de l’orage. Patron des gens de mer, il l’est aussi des cuisiniers. En l’honneur de Saint-Gilles, les Liégeois avaient un jour de congé, le 1er septembre. Ce privilège a été aboli en 1607 par un prince-évêque de Bavière.

Quatre types de processions montaient de Liège vers Saint-Gilles :
-la procession destinée à implorer le sang lors de catastrophes naturelles,
-la procession des musiciens (Goderan était troubadour),
-la procession des « grosses femmes » (femmes enceintes ou avec un enfant en bas âge), au départ du quartier Sainte-Marguerite jusqu’à Saint-Gilles pour supplier le Saint de protéger leur enfant,
-la procession dans le cadre des exécutions capitales : aux Grands-Champs étaient installés les gibets destinés aux étrangers (à la ville de Liège). Les Liégeois, eux, avaient le privilège d’être suppliciés place du Marché.

Aujourd’hui, la dévotion à Saint-Gilles est encore bien implantée dans la mentalité populaire. L’affluence des pèlerins est considérable pendant la Neuvaine.

L’église érigée par Albéron est en forme de croix latine et de style roman mosane. Les matériaux ont été pris sur place, grès schisteux et grès houiller. De l’église primitive ne nous reste que la tour nord et les cinq travées de la nef centrale côté est. La tour comporte trois étages et un magnifique clocher. Si l’étage moyen de la tour est relativement peu éclairé (deux fenêtres au nord et au sud), en revanche l’étage supérieur l’est beaucoup plus, par des baies géminées des quatre côtés, ce qui donne un charme particulier à l’ensemble.

Les pères abbés de l’abbaye de Saint-Gilles vont se succéder jusqu’à la Révolution Française. L’ordre choisi était les Chanoines réguliers de Saint-Augustin. De cette abbaye il ne reste rien. Quant à l’église elle-même, elle a subi au fils des siècles de nombreuses intempéries, incendies, auxquelles vont s’ajouter les dégâts miniers (exploitations de charbonnages dès le XIXème siècle), et un tremblement de terre en novembre 1983. Des travaux incessants ont donc jalonné l’histoire de l’église Saint-Gilles. Abandonnée à la Révolution Française, l’église est reprise par la paroisse en 1803 et c’est à la fin du siècle, 1893, que le curé de l’époque fera appel à un architecte Gantois bien connu, Auguste Van Assche, pour effectuer des travaux titanesques qui auront un triple but : consolider, restaurer, et agrandir. En pratique, le nouveau plan va prolonger l’église par la construction d’une nef ouest. La tour est contrebutée par des croisillons formant transepts (qui seront aménagés, au nord, en chapelle du Saint-Sacrement, et au sud, en chapelle Saint-Gilles). Enfin, un nouveau chœur, à l’est, est créé, avec une abside arrondie.

ZOOMS

La statue de Saint-Gilles, sculptée vers 1340 en pierre calcaire jaune colorée. On y a retrouvé plus de dix couches de peinture ! C’est d’ailleurs l’erreur d’un peintre de la Renaissance qui est à l’origine de l’expression : « Saint-Gilles l’èwaré ». En effet, il avait anormalement agrandi les yeux du Saint, lui donnant une expression d’effarement. L’erreur a été bien sûr corrigée par la suite, mais le surnom est resté. Saint-Gilles nous apparaît en habit sacerdotal, avec une crosse mais sans mitre. La crosse n’est pas d’origine, et a été remplacée plusieurs fois. Elle est de plus orientée vers l’extérieur, ce qui n’est pas la règle. Saint-Gilles est accompagné d’une biche en bois.

A l’entrée de la chapelle, sur la gauche, j’ai repéré la croix de Camargue, qui rappelle l’origine provençale du culte de Saint-Gilles. Ses trois branches supérieures symbolisent les trois vertus chrétiennes que sont la foi, l’espérance et la charité. Juste à droite de la chapelle Saint-Gilles se trouve un petit autel avec le Reliquaire de Saint-Gilles et de Saint-Léonard, sculpté par les frères Dehin. Le Reliquaire est surnommé par les Liégeois « la machine à coudre » !



Le Chœur est éclairé par 3 vitraux représentant des Saints : au centre, Saint-Gilles et Saint-Augustin, à gauche, Sainte-Gertrude et Saint-Léonard (reconnaissable à ses chaînes, il est le patron des mineurs), et à droite, Saint-Laurent et Saint-Nicolas. Quant au Maître-Autel, si le bas est de style néogothique, le dessus est l’œuvre des célèbres frères Dehin.





Le Christ en Croix, suspendu dans le Chœur, n’est pas à la place habituelle, et a été probablement déplacé plusieurs fois. Il est presque certain qu’il date du XIVème siècle : les bras minces, les deux pieds cloués ensemble, la présence d’un périsonium plaident pour cette époque.











Le Trésor de Saint-Gilles est situé dans une petite pièce à droite du Chœur, exceptionnellement ouverte pour les journées du Patrimoine. Il contient des vitrines avec des objets précieux, des calices, des vêtements sacerdotaux, des bannières (également en flamand), et l’on peut y voir la fameuse barrette à 4 cornes des docteurs en théologie (un privilège qui nous vient de Rome).






Les Armoiries des Abbés s’alignent le long des nefs. A noter qu’elles seraient plutôt de style laïque, ce qui est étonnant dans une église.










Conclusion

J’ai été séduite par le récit mi-légende mi-histoire du personnage de Saint-Gilles et de la fondation de la première église par Goderan. J’ai été étonnée d’apprendre que le culte de Saint-Gilles nous venait de Provence. J’ai été impressionnée par l’imposante tour romane, surtout vue de l’intérieur, avec ses 4 gros piliers carrés, et aussi par la magnificence de la décoration du Maître-Autel. Cette église, si souvent vue ou aperçue à deux pas de chez moi, m’apparaît maintenant sous un nouveau jour, s’intégrant parfaitement dans l’histoire du pays de Liège.

Bibliographie

La quasi-totalité du contenu de ce travail repose sur l’exposé de mon guide, pendant la visite de l’église Saint-Gilles, dans le cadre des Journées du Patrimoine. J’ai également consulté la petite brochure vendue à l’église même, il s’agit d’une brochure écrite par Jean-Claude Soyeur, ancien vicaire de Saint-Gilles.

Lacremans Hélène 3B

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